Faceless

“Faceless est une série de portraits anonymes par le cadrage mais intimes par l’écrit. Mon défi? Imposer à un nombre de personnes qui me sont plus ou moins proches, à se dévoiler à travers UN objet, qui résumerait un moment de vie, un souvenir affectif, une personnalité ou une passion. Et, cet objet, pouvait se présenter sous n’importe quelle forme: une photo, un bibelot, un instrument, un accessoire, etc. Cela a été une évidence pour certains et un dilemme pour d’autres. Certaines personnes n’ont pas su répondre à la demande. Au fil des années, je me suis fort attaché à toutes sortes de choses qui représentent une émotion intime, un souvenir heureux – et parfois malheureux – ou une esthétique personnelle. Je suis loin d’être un accumulateur mais je dirais que les objets ne vous trahissent jamais. Et bien souvent un évènement de notre vie, fait qu’un bien matériel acquiert une préciosité incroyable à nos yeux.”

Vassili
Efrosini, 86 ans, Evere

 « Ma mère est morte en me mettant au monde. Cette femme sur la photo était la sœur de mon père. C’est elle qui m’a élevée et qui m’a tout appris. Cette photo me rappelle la vie que nous menions en Grèce. C’étaient des années difficiles, nous étions pauvres mais on passait de bons moments. Nous habitions tous sous le même toit: mon père, ma tante, ma grand-mère, mon grand-père et ma belle-mère – que mon père épousa lorsque je n’avais que deux ans. Des années plus tard, ma tante se maria et quitta la maison. J’étais très triste et elle me manquait énormément. Je n’étais plus heureuse chez moi. Ma belle-mère était très méchante à mon égard. Elle et mon père eurent plusieurs enfants et je n’étais plus que la fille d’une union passée. Ma vie changea lorsque que je fus mariée à mon tour et que je quittai la maison. »

Yanni, 24 ans, Ixelles

« Depuis que je suis entré dans l’âge adulte, je n’ai jamais mis de côté la part d’enfance qui tient une place importante dans mon quotidien et ma personnalité. Et l’enfant qui est en moi prend vie sous la forme d’une licorne, d’un poney ou d’une princesse Disney. Tous ces objets me renvoient au souvenir de mes jeunes années pendant lesquelles ma mère me répétait sans cesse d’être moi-même. Je suis une personne simple mais avec une part de fantaisie, d’extravagance et cette licorne en est une bonne représentation: elle est toute peinte de blanc mais sa corne est dorée et sa crinière ainsi que sa queue sont multicolores. »

Vincent, 51 ans, Evere

 « Il y a rencontre et rencontre. Il en suffit d’une pour changer votre vie à tout jamais. Celle qui fait vous sentir bien, qui vous aide à vous épanouir. Celle à travers laquelle, vous vous sentez soutenu et aimé. Celle qui vous rend heureux avant tout. Cette alliance représente donc, pour moi, la plus belle chose de ma vie. C’est la rencontre que je devais faire. »

Constantin, 83 ans, Evere

 « Mon beau-frère se rendit dans le centre de Thessalonique et il y apprit que la Belgique recherchait des mineurs. Nous avons donc voyagés jusqu’à Charleroi. Là-bas, nous avons été à la commune afin qu’une carte d’identité et un permis de travail temporaires nous soient délivrés. Après cinq ans de travail en tant que mineur, nous avions le droit à un permis de travail qui nous permettait de travailler dans les usines. J’ai refusé car je gagnais plus d’argent comme mineur et je m’étais habitué à mon travail malgré qu’il était très physique et comportait une part de risque importante. L’usine possédait des habitations dont les mineurs disposaient. Il fallait pour cela s’inscrire sur une liste d’attente. J’en ai bénéficié une fois à Mons. Je n’étais censé partir que pour six mois et cela fait maintenant cinquante-sept ans que je suis en Belgique. »

Marina, 59 ans, Evere

 « J’ai choisi cette photo car elle date de tout juste un mois avant que la poliomyélite me rende visite. C’est un virus qui se caractérise par une paralysie asymétrique des membres inférieurs. Et cela a bien évidemment changé ma vie à tout jamais. Mais je ne pense pas, aujourd’hui, que cela ai été pour un mal car ce virus m’a rendue plus forte et combative. Il m’a aidé à mieux comprendre les gens et à savoir comment ils fonctionnent. Peut-être aussi, sûrement même, à être consciente des vraies valeurs. Merci la vie. »

Cynthia, 25 ans, Jambes

 « Ce sont mes parents au début de leur relation. Cette photo a été prise dans leur ancienne maison. Mes parents sont divorcés depuis des années maintenant. Je n’ai pas vraiment de souvenir d’eux en couple et amoureux, à part ce cliché. Je l’ai longtemps gardé dans mon journal de classe quand ils étaient en plein divorce et depuis que j’ai quitté l’école, je l’ai rangée dans une boîte avec d’autres photos. Il m’arrive parfois de la ressortir et je la contemple pendant de longues minutes. Mon père était fort absent, beaucoup trop même. C’est ma mère et ma grande sœur qui ont fait mon éducation. Il y a une grande tristesse qui se dégage de moi quand je tiens cette image entre les mains car la famille tient une place importante dans mon cœur. »

Angela, 30 ans, Fleurus

 « Au début, je voulais devenir architecte. Mais étant donné que nous étions cinq enfants à la maison, mon père ne savait pas payer mes études. J’ai donc dû choisir parmi les options qui s’offraient à moi dans mon école. J’ai tout de suite accroché avec la coiffure, qui pour moi répond parfaitement à l’architecture car j’imagine mes coupes en 3D. Cela me procure une liberté de création. Pouvoir changer les choses et pouvoir créer des formes à part entières est absolument fabuleux. Ne pas pouvoir pratiquer mon métier, qui est aussi une vraie passion, me rendrait malheureuse. Quant aux concours, j’ai commencé à l’école. Cela me permet de créer des choses extravagantes et donc, d’aborder la coiffure différemment. Aujourd’hui, je suis championne de Belgique et je m’en vais dans quelques jours représenter mon pays à Francfort, pour le championnat du monde. »